Jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Bordeaux le 6 juin 2023
N°22364000184
Le 28 décembre 2022, les fonctionnaires de police de Bordeaux étaient avisés de la présence dans un magasin de l’enseigne C d’un homme tentant de filmer sous les jupes de clientes au moyen de son téléphone portable.
Les effectifs de la police nationale procédaient à l’interpellation de Monsieur D, désigné par la responsable de la sécurité du magasin.
Cette dernière indiquait avoir surpris Monsieur D tentant de filmer sous la jupe d’une cliente non identifiée qui ne s’était rendu compte de rien.
L’exploitation du téléphone portable de Monsieur D permettait de retrouver de courtes vidéos d’une employée du magasin, Madame C, prises à son insu, laquelle était porteuse d’un pantalon, d’un débardeur, d’une chemise et d’un gilet de travail.
Entendu en garde à vue, Monsieur D reconnaissait les faits reprochés.
À l’issue d’une rapide expertise médicale, le psychiatre indiquait que Monsieur D expliquait son geste par une envie irrépressible dans le cadre d’une rechute, ce dernier ayant été condamné, selon ses dires, pour des faits similaires quatre ans auparavant.
Une obligation de soins aurait été ordonnée et exécutée par Monsieur D.
Cependant, si celui-ci ne parvenait pas à expliquer les raisons de son geste, tout en ayant conscience de leur gravité, il replaçait le passage à l’acte dans un contexte de diagnostic d’un cancer de la moelle osseuse l’ayant profondément troublé.
À la suite d’une perquisition à son domicile, l’exploitation de l’ordinateur de Monsieur D révélait la présence de plusieurs vidéos, prises dans des conditions similaires, entre 2019 et 2022.
Entendu, sur ces nouveaux faits, Monsieur D reconnaissait être l’auteur des enregistrements.
Ce dernier était donc renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Bordeaux des faits de voyeurisme aggravé à l’égard d’une cliente du magasin, de Madame C mais également en raison des enregistrements retrouvés dans son ordinateur.
Pour rappel l’article 226-3-1 du Code pénal dispose que :
« Le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir les parties intimes d’une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu’il est commis à l’insu ou sans le consentement de la personne, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende
Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :
(…)
6° Lorsque des images ont été fixées, enregistrées ou transmises. »
Concrètement, l’infraction a pour but de sanctionner tout comportement consistant à tenter d’apercevoir les parties intimes d’une femme, avec ou sans l’usage d’un appareil de fixation de l’image, que celle-ci a dissimulées du fait de son habillement (classiquement une jupe, mais le port d’un pantalon ne serait pas excluant) ou de sa présence dans une cabine d’essayage.
En revanche, le simple fait de filmer une personne à son insu ne suffit pas à caractériser une volonté d’apercevoir les parties intimes.
Dans le cas de Monsieur D, celui-ci avait effectivement tenté d’apercevoir les parties intimes de plusieurs personnes.
Cependant, s’agissant de Madame C, les vidéos étaient prises en plan large sans un focus particulier sur les parties intimes.
Aussi, s’il est parfaitement légitime de ressentir une forme d’atteinte à son intimité à l’idée d’avoir été filmé, ce seul comportement n’est pas constitutif de l’infraction visée par le Procureur de la République.
En conséquence, Monsieur D était relaxé du chef de voyeurisme aggravé à l’égard de Madame C et condamné pour le surplus.
Si à la barre le Procureur sollicitait une condamnation à 6 mois d’emprisonnement aménagé sous la forme du port d’un bracelet électronique assortie d’une obligation de soins, l’absence de mention au casier judiciaire, l’état de santé préoccupant de Monsieur D (l’ayant d’ailleurs empêché d’être présent à l’audience) conduisait la juridiction à prononcer une peine de 6 mois d’emprisonnement intégralement assortie d’un sursis probatoire comportant une obligation de soins.
En conclusion, il est indispensable de se faire assister par un Avocat exerçant en droit pénal qui saura être particulièrement attentif aux qualifications pénales retenues à votre encontre afin de faire prévaloir le principe de légalité des délits et des peines.